Quelle politique pour réussir la transition énergétique avec les villes et les campagnes ?

Lausanne, 14.10.2021 - Discours de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga au Forum des 100

(les paroles prononcées font foi)

Madame la Vice-Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales, cantonales et communales,

Mesdames et Messieurs les maires et syndic-ques,

Chères participantes et participants au Forum des 100,

Je suis très heureuse d’être ici avec vous, sur le campus de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. D’ici tout semble possible.

Ce qui me fait penser à la Californie. Je viens d’y faire un voyage virtuel. Un voyage captivant pour partager nos réponses à la crise climatique.

Comme la Suisse, la Californie est une démocratie directe.

Comme nous, elle essuie parfois des revers dans son élan vers la décarbonation.

Et comme nous, elle remet toujours l’ouvrage sur le métier.

La vice-gouverneure de Californie a joliment résumé cet état d’esprit. Elle m’a dit: «We have a very ‘we can attitude’»

Cette «we can attitude», vous la vivez, maires de partout et autres visionnaires qui travaillez à une vie meilleure pour vos concitoyennes et concitoyens.

Je souhaite que les villes les plus audacieuses entraînent celles qui seraient plus frileuses.

Je souhaite aussi que vous travailliez en bonne intelligence avec les cantons et les régions périphériques.

En Suisse, le rôle des villes est essentiel mais il ne suffit pas, il faut convaincre au-delà. Parce que la population a toujours le dernier mot chez nous.

Cette «we can attitude», je l’ai faite mienne.

D’autant plus qu’elle est aussi l’essence de notre Etat. Voyez le suffrage féminin dont c’est le 50e anniversaire, le congé maternité, la sortie du nucléaire. Il a fallu remettre l’ouvrage sur le métier, encore et encore, mais nous y sommes arrivés.

Sur la bonne voie

Alors remettons l’ouvrage sur le métier ! Avec détermination car le temps presse. Je suis confiante pourtant. Nous sommes sur la bonne voie. Les villes avancent, elles lancent des plans climat les unes après les autres, elles dégagent de l’espace pour la mobilité douce et la biodiversité.

Et les cantons progressent comme jamais dans l’assainissement des bâtiments.

Je suis confiante aussi parce que, non seulement les technologies existent, mais elles coûtent de moins en moins cher. A l’image des panneaux solaires ou des voitures électriques qui vivent un véritable boom.

Le potentiel du photovoltaïque est énorme. Le solaire pourrait couvrir l’ensemble de la consommation d’électricité en Suisse.

Même l’énergie éolienne a – si j’ose dire – le vent en poupe. On parle souvent des difficultés, c’est un de nos tics helvétiques.

Or, sur les vingt-quatre projets de parcs éoliens soumis à la population locale, dix-neuf ont été acceptés.

Permettez-moi encore ceci à propos du vent : un parc éolien, c’est le contraire d’une centrale nucléaire.

Si un jour on estime qu’une installation doit être déplacée, voire supprimée ?

Et bien on la démonte, ce n’est pas la mer à boire, ce n’est pas une entreprise qui dure des dizaines d’années, ni des déchets dangereux qui nous restent sur les bras pour des siècles.

Mon devoir, en tant que ministre de l’énergie et de l’environnement, c’est de faire respecter nos engagements de réduction des gaz à effet de serre et de veiller à notre approvisionnement en électricité.

Ce devoir, je dois et je veux le remplir.

C’est pourquoi j’ai proposé un nouveau plan sur la protection du climat et un plan pour assurer l’approvisionnement en électricité.

Encourager plutôt qu’interdire

Après le refus de la loi CO2, j’ai fait ce que je fais quand un problème se pose : j’invite les acteurs et les partis à discuter dans mon bureau, des représentants d’auto-suisse aux défenseurs de l’environnement.

Je suis arrivée à la conclusion qu’il faut avant tout :

  • faire vite
  • et soutenir la population qui veut vivre de manière respectueuse du climat,

plutôt que d’interdire ou donner l’impression de punir.

Nous devons tenir compte du vote. Et convaincre aussi dans les campagnes. Car, c’est un fait, les gens y sont souvent dépendants de la voiture. Et ils ont moins accès aux transports publics que les citadins.

Alors, plutôt que d’augmenter le prix de l’essence ou percevoir de nouvelles taxes, nous allons travailler avec les instruments existants et de manière plus ciblée.

Je veux par exemple soutenir ceux qui passent à la mobilité électrique.

A l’avenir, les sanctions que paient les importateurs de voitures polluantes ne devraient plus alimenter le fonds routier, mais financer des stations de recharge là où les gens en ont besoin: c’est-à-dire là où ils habitent et là où ils travaillent.

Des voix s’élèvent, notamment dans les villes, pour interdire les voitures à essence. Nous préférons encourager le passage au véhicule électrique et rendre les transports publics attrayants.

Je suis convaincue qu’électrifier le trafic sera bénéfique, non seulement au climat, mais aussi à la vie des gens, à leur santé. Je pense tout spécialement à ceux qui vivent aux bords des routes : ils subiront moins de bruit et moins de pollution.

Pour le chauffage, l’argent qui vient de la taxe CO2, déjà existante, sur les combustibles, doit aider, plus qu’aujourd’hui, les propriétaires à remplacer leur chaudière à mazout ou à gaz. Dans les cinq ans qui viennent, nous allons pouvoir investir deux milliards de francs dans le bâtiment.

C’est crucial. Parce que si nous remplaçons un chauffage à mazout par un autre chauffage à mazout, on en prend pour 20 ans. Au moins.

Notre but est d’aider les gens dans le changement. Parce que nous sommes conscients qu’acheter un nouveau chauffage est une lourde charge pour bien des ménages.

C’est une question sociale.

On ne peut pas laisser le poids de la transition sur les épaules des seuls individus.

Je fais partie d’un groupe de ministres, créé par l’Agence internationale de l’énergie.

Son but est de mettre la population au centre de la transition énergétique. On y parle de création d’emplois, de soutien à la reconversion professionnelle. J’y parle de notre démocratie directe où les gens sont au cœur des décisions politiques.

Garantir l’approvisionnement en électricité pour décarboner

Pompes à chaleur, voitures électriques, lutter contre le dérèglement climatique, c’est, entre autres, électrifier.

Les besoins en courant vont donc augmenter.

Quand je suis arrivée à la tête de mon département, j’ai réalisé qu’on ne pouvait pas continuer notre petit bonhomme de chemin.

Ces derniers dix ans, notre industrie électrique a trop peu investi dans la production en Suisse. Les investissements sont surtout allés à l’étranger. On a trop compté sur les importations.

J’ai alors lancé un projet de loi pour garantir notre approvisionnement en électricité et renforcer les énergies renouvelables. Le parlement vient d’ailleurs d’approuver la première partie de mon projet.

De gros investissements sont nécessaires.

On me dit parfois qu’ils ne sont pas rentables. Mais, depuis quand la sécurité était-elle rentable ?

Parle-t-on de rentabilité dans la sécurité routière ou dans la police ?

La sécurité a un coût, dans l’approvisionnement en électricité comme ailleurs.

Avec l’économie privée, les villes, les communes et les cantons ont un rôle important à jouer dans notre production, en tant que propriétaires d’entreprises électriques.

D’ailleurs, si nous sommes sur la bonne voie, c’est parce que avons des têtes pensantes, des hautes-écoles performantes comme ici, des entreprises et des administrations innovantes.

Grâce à elles, nous produisons de l’énergie propre, nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre et nous créons des emplois d’avenir.

Je le constate à chaque visite sur le terrain.

Il y a une semaine encore, j’ai assisté au lancement de la plus grande centrale solaire alpine de Suisse, sur le mur d’un barrage du canton de Glaris, à 2'500 mètres d’altitude.

Cette installation réalisera la moitié de sa production en hiver, quand nous avons le plus besoin d’électricité.

Cap sur Glasgow

Mesdames et Messieurs,

A quelque quinze jours de la conférence de Glasgow sur le climat, permettez-moi d’insister : le non de la population suisse à la loi CO2 n’était pas un non à la protection du climat.

La Suisse reste fidèle à ses engagements: diminuer de 50% nos émissions d’ici 2030 et parvenir à la neutralité climatique en 2050.

Outre les efforts en Suisse, nous poursuivons notre politique de réduction des émissions à l’étranger. Ce sera un grand thème de la COP climat.

Nous allons négocier aussi un calendrier commun pour la durée des objectifs climatiques. Jusqu’à présent, chaque pays peut décider cela lui-même.

Alok Sharma, le président de la COP climat, a confié un mandat à la ministre de l’environnement du Rwanda et à moi-même : trouver une solution qui mette d’accord les pays.

Vous savez à quel point il est difficile de trouver une majorité dans notre propre pays. Alors imaginez la difficulté de mettre d’accord tous les pays de l’ONU !

D’autant plus qu’une majorité ne suffit pas dans une COP. Les décisions sont prises par consensus.

La Suisse est très engagée dans ces négociations. Ce n’est pas par pur altruisme, c’est aussi dans notre intérêt.

Notre pays, avec ses Alpes, est très vulnérable aux changements climatiques.

Cruciales décades

Au fond, la décarbonation, c’est une spécialité suisse. Elle a une très longue histoire.

Face au manque de charbon durant la Première Guerre Mondiale, les chemins de fer suisses ont commencé à électrifier des tronçons, puis le Gothard. En 1928, la moitié du réseau était électrifié.

Si la Suisse a réussi ce tour de force en dix ans, elle doit pouvoir réaliser sa transition énergétique en trente ans.

Je suis confiante. Et je propose que nous adoptions une attitude positive, à la californienne.

Villes et campagnes, ensemble, « yes we can ».


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