Visite de La Grande Dixence et Prafleuri

Berne, 05.09.2024 - Allocution du conseiller fédéral Albert Rösti

(Les paroles prononcées font foi)

Mesdames et Messieurs,
Chères et chers invités,

J’ai eu la chance de visiter ce matin le barrage de la Grande Dixence et j’en suis encore tout ébahi. Face à cet ouvrage imposant, né du chantier le plus ambitieux de l’histoire des Alpes suisses, on comprend tout le sens des mots du poète Virgile :

«Labor improbus omnia vincit», un travail acharné vient à bout de tout.

Cette citation inscrite sur la cloche de la chapelle de La Grande Dixence m’inspire. Car pour parvenir à garantir l’approvisionnement énergétique de la Suisse, il faudra encore beaucoup de dur labeur ! 

Le complexe hydroélectrique de Grande Dixence prouve que vision, intelligence et détermination assurent de grandes réussites. Ici, on produit chaque année quelque 2 milliards de kilowatt/heure. C’est 20 % de l’énergie d’accumulation en Suisse.

Besoin de plus d’électricité

De tels ouvrages, Mesdames et Messieurs, il nous en faut plus ! Car nous avons besoin de plus d’électricité. Et nous en aurons besoin de bien plus encore dans les prochaines années.

Les raisons sont multiples :

  • La population a décidé de décarboner notre système énergétique et d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050. Nous en ressentons déjà les effets : chaque année, davantage de voitures électriques et davantage de pompes à chaleur sont raccordées au réseau.
  • L’abandon progressif des énergies fossiles a une autre conséquence : il ferme la porte à la possibilité de recourir aux centrales à gaz en guise d’appoint.
  • La guerre en Ukraine a elle aussi marqué un tournant pour notre approvisionnement, surtout en hiver. Il y a quelques années, nous étions persuadés qu’il y aurait suffisamment d’électricité en Europe et qu’il n’y aurait aucun problème à en importer. La réalité nous a rattrapés !
  • Je citerai un dernier facteur important : la croissance démographique. On se dirige vers une Suisse à plus de 10 millions d’habitants. Et toutes ces personnes auront besoin d’électricité.

Majorité pour les énergies renouvelables

Les citoyennes et les citoyens de notre pays ont accepté en juin la loi sur un approvisionnement sûr en électricité reposant sur des énergies renouvelables par quasiment 70 % des voix. Ce résultat très net montre une volonté profonde d’aller de l’avant et de développer rapidement nos énergies locales.

À court et à moyen terme, le solaire, l’éolien et l’hydraulique sont les seuls moyens de renforcer notre approvisionnement énergétique.

Pour ce qui est du solaire sur les toits, la population joue le jeu : chaque année, nous atteignons de nouveaux records. Mais les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments et les infrastructures ne pourront pas couvrir à eux seuls nos besoins en hiver – surtout dans certaines régions de notre pays, qui, contrairement au Valais ou à l’Oberland, connaissent mieux le brouillard que le soleil six mois par année.

Solaire alpin et barrages

C’est pourquoi nous misons par exemple sur les éoliennes et sur le solaire alpin pour l’hiver. À ce propos, ce matin, j’ai découvert le projet prometteur de « parc solaire de Prafleuri ». Le but est d’y produire plus de 14 GWh par année. Un excellent complément à l’axe incontournable de notre approvisionnement en électricité, qui est et restera la force hydraulique. C’est notre or blanc, Mesdames et Messieurs.

Nous avons seize projets de centrales hydroélectriques qui nous permettront de stocker a d’électricité en hiver. Des projets acceptés par le peuple et qui ont reçu le soutien d’organisations comme Pro Natura et le WWF, de la Fédération suisse de pêche, des cantons et du secteur de l’électricité lors d’une table ronde.

Projet du Gorner

Encore une fois, le Valais fait honneur à sa réputation avec huit projets de centrales hydroélectriques à lui tout seul. Et La Grande Dixence figure en tête du classement des superlatifs avec le Gorner, plus connu sous le nom de Gornerli. C’est tellement suisse ! Appeler Gornerli, avec le suffixe « li » qui veut dire petit en Suisse allemand, le plus grand des projets, cela relève d’une forme d’exploit ou alors d’un grand sens de l’humour.

Le lac de retenue de Gornerli permettra de transférer la production de 650 GWh d’électricité de l’été vers l’hiver en utilisant les installations existantes de La Grande Dixence. Et en plus, le nouveau barrage assurera une augmentation d’environ 200 GWh de la production d’électricité annuelle.

Protection contre les crues

Cette contribution majeure à la sécurité de notre approvisionnement énergétique s’accompagne d’autres avantages. Je pense en particulier à la protection contre les crues. Le Valais a malheureusement beaucoup souffert des intempéries cet été. Et la situation aurait été encore pire si les barrages de la région n’avaient pas retenu une partie des masses d’eau.

Zermatt et les communes situées en aval font face à d’importants dangers de crue, qui vont augmenter avec le retrait des glaciers et le changement climatique. Le projet Gornerli offre un volume de retenue qui réduira ce danger. Les experts disent même que les dommages dans la région de Zermatt auraient pu être évités cet été si le barrage existait déjà. Il aurait aussi atténué les crues du Rhône.

D’un autre côté, le volume de retenue pourra aussi contribuer à assurer l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation. Vous voyez, les barrages apportent bien plus que de l’énergie !

Projets menacés

Seulement voilà, parmi ces seize projets acceptés largement par le peuple, plusieurs sont déjà menacés en raison d’oppositions. Le Gornerli justement, ou le Trift et le rehaussement du Grimsel, dans le canton de Berne. Il en va de même pour différentes installations solaires alpines.

Cela m’inquiète profondément ! Le Conseil fédéral a le devoir d’assurer un approvisionnement en électricité sûr à la population et à l’économie. Notre pays ne peut pas se permettre de subir une pénurie qui se chiffrerait en milliards de francs de pertes. En allemand, on utilise cette expression : « On ne peut pas laver l’ours sans mouiller sa fourrure ». Je crois que le sens se comprend bien en français aussi…

Biodiversité

L’ours m’amène à faire une petite digression sur l’initiative biodiversité, en votation le 22 septembre. En Suisse, nous avons des montagnes, des forêts et des lacs magnifiques, nous avons des paysages féeriques et des villages et des villes remarquables. Ce n’est pas à vous, Valaisannes et Valaisans, que je dois le dire !

Cette diversité naturelle et culturelle fait notre pays. Je pense pouvoir affirmer que nous sommes toutes et tous d’accord ici pour dire qu’il faut préserver cette diversité et cette richesse. Si le maintien de la biodiversité est essentiel, les exigences posées par l’initiative vont trop loin : elles pourraient entraver la pesée des intérêts entre protection et exploitation. Les initiants ne se préoccupent d’ailleurs pas uniquement de biodiversité.

L’initiative vise à renforcer la protection des sites et des paysages. Des intérêts centraux comme le développement de l’habitat, de l’agriculture et des énergies renouvelables en pâtiraient. Voilà une menace de plus pour notre approvisionnement énergétique.

Or, pour moi, la politique climatique, qui est essentielle pour la biodiversité aussi, commence par la politique énergétique. Vous voyez, on en revient à nos projets de centres hydroélectriques, à nos parcs solaires alpins…

Mesdames et Messieurs, je disais au début qu’un travail acharné vient à bout de tout. Mais dans ce cas, nous avons aussi besoin de votre soutien pour faire avancer les projets concrets, selon la méthode helvétique bien éprouvée. Car l’enjeu est de taille : il en va de la sécurité de notre approvisionnement énergétique.

Merci de votre attention.


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