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Pubblicato il 11 ottobre 2025

Énergie et Transports ’45: «In fine, le pays a besoin d'électricité»

Dans une interview avec Le Temps, le conseiller fédéral Albert Rösti revient sur les raisons de la décision de lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. Il parle également sur la priorisation des investissements en matière de transports.

Le Temps, 11.10.2025

Interview: Annick Chevillot et Yan Pauchard

Sans nucléaire, les Suisses risquent de manquer d’électricité en hiver.

En août, après une consultation aux résultats contrastés (la majorité des cantons s’est prononcée contre), vous avez maintenu votre décision de rouvrir la porte à la construction d’une centrale nucléaire. Qu’est-ce qui a motivé le Conseil fédéral?

J’aimerais d’abord préciser que, lors de cette consultation, les grands cantons consommateurs d’énergie, comme Zurich et l’Argovie, se sont déclarés favorables à une telle option. Tout comme l’ensemble des milieux économiques et les entreprises électriques Alpiq, Axpo et BKW… L’objectif du Conseil fédéral, avec ce contre-projet, est d’assurer l’approvisionnement énergétique du pays. A court terme, nous pouvons compter sur les centrales hydroélectriques, nucléaires et renouvelables existantes. Et les centrales de réserve nous protègent en cas de crise. A moyen terme, d’ici dix à vingt ans, il y aura le développement des énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien. Mais le Conseil fédéral est persuadé qu’il faut prendre aujourd’hui des mesures pour maintenir la production d’électricité en Suisse sur le long terme. C’est dans ce cadre que nous souhaitons relancer l’option du nucléaire.

Cela ne va-t-il pas à l’encontre de la volonté populaire exprimée dans les urnes?

Même si j’étais opposé à la sortie du nucléaire en 2017, j’ai accepté la décision populaire. Tout est aujourd’hui différent. Lors de la votation, nous étions persuadés que jamais nous ne manquerions d’électricité et que, au pire, nous pourrions nous tourner vers les importations. La situation géopolitique, avec la guerre en Ukraine, a complètement changé la donne. A cela s’ajoutent les stratégies de décarbonation – avec l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 –, la hausse de la demande liée à une croissance démographique plus élevée qu’attendu et l’avènement de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, gourmandes en électricité. Sans oublier tous ces recours qui freinent la construction d’installations éoliennes, solaires ou hydroélectriques. Aujourd’hui, et en considérant toutes ces évolutions, il est de mon devoir et de celui du Conseil fédéral de reprendre cette discussion. Le contre-projet à l’initiative «Stop au blackout» sera soumis au parlement, avec, déjà, une promesse de référendum s’il devait passer aux Chambres fédérales. La population aura donc, encore une fois, le dernier mot. Je note néanmoins qu’un sondage publié ce vendredi [commandé par le groupe Tamedia] révèle que 56% des Suisses seraient favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Le plus grand risque politique pour la construction d’une centrale, ne serait-ce pas une nouvelle catastrophe dans le monde, de type Tchernobyl ou Fukushima? Cela pourrait retourner l’opinion publique?

C’est un risque, c’est certain. Cela dit, il y a aussi eu de graves accidents avec des barrages, mais nous n’y avons pas renoncé pour autant. In fine, le pays a besoin d’électricité.

La mise en service d’une nouvelle centrale nucléaire ne sera pas possible avant 2050, date confirmée par un récent rapport de l’Académie suisse des sciences. A quoi bon relancer l’atome alors que les besoins sont immédiats?

Ce rapport scientifique établit que ce sera long, pas que ce sera impossible. En réalité, il confirme plutôt la justesse de notre décision et la nécessité de commencer les travaux politiques dès maintenant. Vu les délais pour obtenir une autorisation de construire une telle infrastructure, il faut s’y prendre assez tôt. L’académie a évalué ces durées en fonction des processus actuels, que nous pourrons également revoir en cas de décision positive. Les centrales nucléaires de Leibstadt et de Gösgen seront arrêtées dans les années 2040-2045. Cela coïncide avec la période où la Suisse aura besoin de nouvelles sources de courant. Pour être prêt dans vingt ans, il est nécessaire d’avancer politiquement aujourd’hui.

Vous évoquez Gösgen… La centrale est aujourd’hui à l’arrêt de manière prolongée à la suite d’une faille dans les systèmes de refroidissement. Cela ne vous fait-il pas douter?

Pas du tout. Au contraire même: le cas de Gösgen me rassure. Cet arrêt prouve le haut niveau de sécurité de nos centrales nucléaires. Dès que les critères de sûreté ne sont plus remplis, les installations sont arrêtées. Décisions prises par des instances de contrôle indépendantes, des milieux politiques et économiques. Cet arrêt illustre également la nécessité de remplacer ces installations. On ne peut pas les prolonger indéfiniment.

Le Conseil fédéral a pris des décisions (comme les coupes budgétaires dans le Programme Bâtiments, baisse des subventions pour le solaire) qui vont freiner les rénovations énergétiques. Ne faudrait-il pas au contraire renforcer les mesures pour le développement des renouvelables?

Ce ralentissement des renouvelables n’est pas dû aux subventions, mais plutôt à des raisons techniques, des surcoûts liés à la construction et à la production ou des recours environnementaux. Avec la loi sur l’électricité que nous avons votée l’année dernière, nous avons établi des subventions de plus de 50%, ce n’est pas rien. Et nous n’avons pas l’intention de diminuer ces montants. Quant au Programme Bâtiments, qui sera touché par le paquet d’allègement budgétaire, le Conseil fédéral pense qu’il peut être réduit sans qu’il y ait trop de conséquences à long terme. Aujourd’hui, il y a un effet d’aubaine. Des propriétaires profitent de la subvention alors qu’ils auraient de toute façon entrepris les travaux de rénovation ou installé un nouveau chauffage.

Dans le domaine de l’énergie, tout prend beaucoup de temps. Le parlement a mis deux ans pour boucler la loi sur l’accélération des procédures des 16 projets hydrauliques jugés prioritaires. Comment aller plus vite?

Les décisions politiques prennent toujours du temps, mais c’est un bon projet qui a fini par être ficelé, et contre lequel il ne devrait pas y avoir de référendum. J’ai bon espoir qu’on puisse aller de l’avant maintenant. Mais ces projets hydrauliques ne couvrent pas les 30 à 40 TWh nécessaires à la décarbonation. Ils représentent un gain limité allant de 2 à 4 TWh. C’est évidemment essentiel pour assurer la production d’électricité en hiver, mais pas suffisant. Le moment critique viendra lorsque nous devrons remplacer nos centrales nucléaires. On parle tellement souvent des renouvelables que la population oublie que presque un tiers de notre production d’électricité est atomique.

A vos yeux, quel est le mix énergétique idéal pour la Suisse?

En fait, et dans l’optique d’une neutralité carbone d’ici à 2050, notre mix actuel est déjà optimal. Il se base sur les barrages, les énergies renouvelables et les centrales nucléaires. Il sera nécessaire de les remplacer, car elles représentent 20 TWh. L’hydraulique doit monter en puissance et nous devons encore fortement développer les énergies renouvelables. A l’avenir, ces trois modes de production resteront les trois piliers de notre mix énergétique.

Sécurité de l’approvisionnement en électricité

Les transports en Suisse romande sont prioritaires.

Le rapport Weidmann, sur la priorisation des investissements en matière de transports, a été présenté jeudi. Quel est, à vos yeux, son principal enseignement?

En premier lieu, il a montré qu’un lien existe entre tous les modes de transport: rail, route, agglomérations. Il détaille également l’importance de cette interconnexion modale. En deuxième lieu, il permet de prioriser les projets en fonction d’une enveloppe donnée. Soit 14 milliards, soit 24 milliards. La première variante permet de financer les projets de développement avec le budget disponible actuellement. La deuxième nécessitera, par contre, un financement additionnel, qui reste à trouver. Enfin, je suis satisfait de cette analyse, car elle représente une bonne base de discussion politique.

Quelle variante privilégiez-vous?

24 milliards, ce serait très bien. Le Conseil fédéral m’a également chargé d’élaborer une proposition sur cette base. La première implique des renoncements importants. Ce n’est qu’avec des investissements adéquats et suffisants qu’il sera possible de mener à bien les projets de mobilité les plus importants du pays. Le rapport Weidmann montre bien à quoi il faudra renoncer si l’on ne dispose pas de moyens suffisants.

Cette expertise technique était très attendue en Suisse romande. Et elle confirme le sous-financement du rail dans la région, notamment sur la ligne Genève-Lausanne-Berne. Pouvez-vous garantir aujourd’hui que cette région est prioritaire?

Les transports en Suisse romande sont effectivement prioritaires. Et ce quelle que soit la taille de l’enveloppe budgétaire. Les investissements dans cette région du pays sont nécessaires et importants, aussi pour moi. Pour autant, je ne peux pas faire de promesses aujourd’hui sur des projets précis comme le tunnel Morges-Perroy et la ligne directe Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds. Je dois attendre les réactions des cantons.

Au-delà du financement, les besoins en infrastructures (rail et route) sont urgents. Comment faire pour que les investissements se fassent rapidement?

Un calendrier assez serré a été défini par le Conseil fédéral. Un rapport sera élaboré dès le mois de janvier prochain et la phase de consultation pourra commencer en juin 2026. De son côté, le parlement devrait se pencher sur le sujet en 2027. Le but du gouvernement est clair: nous voulons traiter les investissements dans les transports durant la législature actuelle et ne pas attendre la prochaine.

Transports ’45