A ceux qui risquent leur vie pour nous informer

Berne, 03.05.2022 - Discours de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse à Genève, le 3 mai 2022

Les paroles prononcées font foi

Madame la Haute-Commissaire aux Droits de l’Homme,

Monsieur le Conseiller administratif,

Madame et Monsieur les Prix Nobel de la Paix,

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, nous avons parmi nous des journalistes qui risquent leur vie. Pour nous. Pour nous informer.

Maria Ressa, Dmitry Muratov, les deux Prix Nobel de la Paix, savent qu’ils se mettent en danger. Et pourtant ils persistent, malgré la prison, malgré les attaques, les intimidations. Ils font leur métier.

Pour que le monde sache ce que d’autres voudraient cacher.

Alors j’imagine la rage au ventre de celles et ceux qui n’ont plus le droit de dire qu’une guerre est une guerre. De ceux qui, dans leur pays, doivent déposer la plume alors que d’autres prennent les armes.

A vous ici - et à vous, hommes et femmes de presse de par le monde, je dis merci. Merci pour votre travail. Merci d’insister, de persévérer dans vos enquêtes, merci de rechercher la vérité, merci d’être si courageux !

Et merci de regarder là où, parfois, on serait tenté de détourner le regard.

Vous décrivez la réalité, vous observez la vie des gens, vous donnez la parole à ceux à qui on la donne rarement, vous remettez en question ceux qui, de par leur fonction, leur pouvoir ou leur argent, ont, quant à eux, toujours voix au chapitre.

Vous dérangez. Avec cette manie de toujours chercher à comprendre, à vérifier les faits, les déclarations, à décortiquer les arguments, à remonter les filières, à critiquer.

Vous vous faites des ennemis parce que vous êtes le grain de sable dans les rouages du pouvoir, les empêcheurs de tourner en rond.

Et pourtant c’est votre raison d’être. C’est votre métier de journaliste. Exercer votre métier au plus près de votre conscience, c’est votre contribution à la démocratie.

Vos informations – vérifiées, au contraire des fake news - nous permettent de prendre des décisions en connaissance de cause, de choisir, voter, élire.

Oui, en cette journée dédiée à la liberté de la presse, nous devons vous remercier.

Parce que vous travaillez pour notre liberté à tous.

Parce qu’un pays qui ne laisse pas l’information circuler librement finit par enfermer, non seulement ses journalistes mais aussi ses citoyens. D’abord dans un système de pensée puis, s’ils osent s’en écarter, dans une prison ou dans un camp.

La liberté dont jouit la presse, c’est le baromètre de la liberté tout court. Moins il y en a, plus on s’approche de l’autocratie. Plus il y en a, plus on va vers la démocratie.

Or aujourd’hui, je suis inquiète pour la démocratie.

La liberté de la presse et la liberté d’expression perdent du terrain, tandis qu’avancent des régimes toujours plus autoritaires. La guerre en Ukraine est l’illustration la plus récente de cette évolution dramatique.

Depuis le 24 février, je me remémore souvent la discussion que j’ai eue, il y a bientôt deux ans, avec des journalistes ukrainiens. J’étais à Kiev et dans le Donbass pour une visite présidentielle. Comme tout journaliste libre, ils faisaient une analyse critique de leur pays. Mais à la fin, ils tombaient d’accord pour dire qu’une réelle liberté de la presse existait dans leur pays, comme ce qui va avec : la liberté d’expression.

Les manifestations étaient fréquentes. On voyait beaucoup de tags et de graffitis dans les rues. « We have a vibrant civil society », disaient-ils. De cela ils étaient fiers. Me faisant remarquer que cela n’allait pas de soi quand on regardait chez les voisins.

Même si, en Ukraine aussi, des journalistes subissent des intimidations.

Le président d’une organisation qui enquêtait sur des affaires de corruption, et dont j’avais rencontré un membre le matin, a vu son appartement mis à feu le soir-même.

C’est une constante partout : le journaliste qui travaille sur des affaires de corruption vit dangereusement.

Plus tard, vous allez honorer les dessinateurs de presse.

Et bien n’oublions pas qu’eux aussi vivent dangereusement.

N’oublions pas que, à quatre heures de train d’ici, les dessinateurs de presse et journalistes de Charlie Hebdo se sont fait massacrer en pleine rédaction.

Les Prix Nobel de la Paix paient très cher aussi l’exercice de leur vocation. C’est donc un immense honneur pour mon pays et pour moi de les recevoir et de saluer leur courage.

Personnellement, je ne sais pas ce que c’est que de risquer sa vie pour accomplir son travail.

Je ne sais pas où vous trouvez la force de surmonter la peur.

Et je ne sais pas comment on vit, comment on dort, quand planent les menaces,

quand un passant peut vous empoisonner en pleine rue,

quand quelqu’un qui frappe à la porte peut vous jeter en prison,

Pourquoi ?

Parce que vous avez écrit ou diffusé une opinion, des informations, qui déplaisent au pouvoir en place.

Ce que je sais, en revanche, c’est que le monde a besoin de vous, que nous avons besoin de vous, que la démocratie a besoin de vous.

Et je sais que le devoir des politiciens comme moi est de protéger les journalistes pour qu’ils puissent nous informer. C‘est valable dans tous les pays. Dans le mien aussi. C‘est un effort constant qui ne doit jamais cesser.


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